LEMONDE | 27.09.11 | 10h49   •  Mis à jour le 27.09.11 | 12h25

L'Agence française de sécurité sanitaire établit une liste de 60 secteurs d’activité concernés.

L'Agence française de sécurité sanitaire établit une liste de 60 secteurs d’activité concernés.AFP/JOEL SAGET

L'interdiction de fabrication et de commercialisation des biberons contenant du bisphénol A (BPA) dans l'ensemble de l'Union européenne depuis le 1er juin est loin d'avoir clos le dossier de ce perturbateur endocrinien. Les deux rapports rendus publics, mardi 27 septembre, par l'Agence française de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sont en effet catégoriques sur les dangers de ce produit de synthèse largement utilisé dans la fabrication des plastiques.

Le premier travail consistait à étudier la littérature scientifique existante afin de disposer d'une vision globale des effets sanitaires du BPA. Il conclut notamment à l'existence d'effets "avérés chez l'animal et suspectés chez l'homme, même à de faibles niveaux d'exposition". L'Anses considère dès lors "disposer de suffisamment d'éléments scientifiques" pour affirmer "que l'objectif prioritaire consiste à réduire les expositions au bisphénol A des populations les plus sensibles", c'est-à-dire les femmes enceintes ou allaitant ainsi que les enfants en bas âge.

La deuxième étude avait pour objectif de recenser les utilisations du BPA. "Près d'une soixantaine de secteurs d'activité potentiellement utilisateurs de bisphénol A en France ont été identifiés", indique l'Anses. La liste des produits susceptibles d'en contenir est impressionnante : emballages alimentaires, mais aussi lunettes et lentilles de contact, CD et DVD, câbles, mastics, adhésifs, électroménager, optiques de phare et pare-chocs, articles de sport, appareils médicaux, revêtements de sol, vernis et peintures, bateaux de plaisance, encres d'imprimerie, etc.

En 2010, l'Anses avait émis des recommandations visant notamment à réduire l'exposition au bisphénol A des populations les plus sensibles, à améliorer l'information des consommateurs par un étiquetage systématique et à rechercher des substituts au BPA. Cette fois, il s'agissait d'effectuer l'analyse la plus complète possible des nombreuses publications scientifiques, "afin de les mettre en perspective et de tenter d'objectiver le paysage", selon les termes de Dominique Gombert, directeur de l'évaluation des risques à l'Anses.

Les experts ont retenu trois catégories d'effets "suspectés" sur la santé humaine, touchant à la fertilité féminine, aux pathologies cardiovasculaires et au diabète.Les effets "avérés" chez l'animal sont au nombre de sept, parmi lesquels l'avancement de l'âge de la puberté, l'augmentation de la survenue de kystes ovariens et de lésions sur la glande mammaire, l'altération de la production spermatique… Le rapport conclut également à l'existence de "ces effets à des doses notablement inférieures aux doses de référence utilisées à des fins réglementaires, et plus particulièrement lors de certaines périodes de la vie [grossesse, périodes pré et postnatale]". Dès lors, la dose journalière admissible (DJA), fixée au niveau européen à 0,05 milligramme par kilo de poids corporel et par jour pour le bisphénol A, ne constituerait pas réellement un seuil de protection contre les effets du composé chimique.

DEUXIÈME SÉRIE DE TRAVAUX

"A partir du moment où il existe des fenêtres de susceptibilité extrêmement fortes pour certaines populations sensibles, la notion de dose de référence a-t-elle encore un sens ? interroge M. Gombert. En tout cas, cela pose la question de l'exposition à la substance dans son ensemble." L'Anses va transmettre "immédiatement" ses conclusions aux instances européennes "en vue d'examiner la pertinence d'une révision des doses de référence". La réaction de l'Autorité européenne pour la sécurité alimentaire (EFSA) sera particulièrement attendue : en septembre 2010, l'EFSA avait estimé qu'aucun élément scientifique ne rendait nécessaire d'abaisser la DJA pour le bisphénolA.

Par ailleurs, une deuxième série de travaux coordonnés par l'Anses est en cours afin d'étudier les mécanismes et voies d'exposition de la population au bisphénol A, sujet sur lequel "on est souvent confronté à un gros déficit de données", selon Dominique Gombert. Leurs conclusions sont attendues pour le premier semestre 2012. L'agence a aussi lancé, le 26 septembre, un appel à contributions "afin de recueillir d'ici au 30 novembre des données scientifiques ou informations sur les produits de substitution [au BPA] disponibles" et de "s'assurer de leur innocuité".

Consulter la liste des articles et préparations susceptibles de contenir du bisphénol A

Gilles van Kote