Benoît Piron est arboriculteur bio en
Deux-Sèvres (http://monsite.orange.fr/vergersdepirouette). Il est l'un
des paysans avec lesquels notre groupe de consom'acteurs du Mellois a
souhaité collaborer. Ainsi chaque année nous pouvons savourer ses
délicieux fruits et jus de fruit en toute confiance (pommes, fraises,
framboises ...).
Face à la multiplication des labels bio, Benoît Piron a rédigé cet article, en ligne sur le site www.reseau-fermier.com
La ronde des logos
Bio,
non bio, vrai bio, faux bio, aujourd'hui l'agriculture biologique est
devenue tellement un phénomène de mode que l'on ne sait même plus quels
produits nous assurent une alimentation saine. Tout le monde cherche le
profit et qu'importe la méthode, pourvue que celle-ci rapporte de
l'argent. Par ce courrier je vais tenter d'aider nos consommateurs à
mieux comprendre ce « bio » que l'on construit en masse et que l'on veut
absolument voir sur toutes nos tables en vous racontant mon histoire.
C'est en tant que producteur mais aussi comme technicien arbo, que je
vais essayer de vous éclairer en vous parlant des fruits bio que l'on
trouvera bientôt et de plus en plus dans nos assiettes. Installé depuis
2003 en Arboriculteur Biologique sur un verger déjà en bio depuis plus
de 10 ans, seul producteur de fruits bio de la région, j'avais le
sentiment d'être au départ un peu « l'unique » et l'écolo que tous les
arboriculteurs regardaient en rigolant. Bref, avec le temps et à ce
jour, ces derniers reconvertissent une partie de leur verger en bio ou
plantent de nouveaux vergers. Jusque là rien à dire, et je me suis même
trouvé satisfait que d'autres arbo prennent conscience de nos systèmes
de production ; c'était pour moi la clef de la réussite : un message
enfin compris. Erreur ou naïveté de ma part ; ces arboriculteurs
convertis en partie n'ont que faire de la bio, seule la niche
commerciale les intéressent. Pour cela, ils se regroupent auprès de
centres techniques de productions et plantent des hectares de vergers
bio intensifs. Ces vergers bio comptent entre 2000 et 3000 arbres par
hectare dans le but d'obtenir des rendements 3 fois plus élevés (60T/Ha)
qu'un verger bio traditionnel (20T/Ha), ceci est le symbole même de la
spéculation et du business financier. Qu'importe la bio et son éthique,
le principal est de faire du bio à n'importe quel prix, quelques soit
les méthodes employées. Ces vergers subiront 60 à 80 interventions
phytosanitaires (autorisés au cahier des charges bio), soit en moyenne 2
traitements par semaine. Sachez également que malgré leur autorisation,
de nombreux produits sont nocifs pour la santé humaine et font mourir
un grand nombre d'auxiliaires utiles aux cultures ; heureusement que la
roténone vient d'être retirée ! Il est évident qu'en densifiant les
populations, les arbres seront plus sensibles aux facteurs extérieurs et
comme la production de fruits est très technique, ces traitements sont
quasi obligatoires. Ma question est alors la suivante : avec de telles
méthodes et de telle autorisation, l'arboriculture bio sera-t-elle plus
dangereuse pour l'homme et notre environnement que la production
fruitière intégrée qui utilise des insecticides spécifiques (acaricides,
aphicides?) et avec un cahier des charges relativement homogène entre
tous les pays, contrairement à celui de la bio ? Ainsi, vous verrez donc
des vergers palissés avec de grands poteaux, des filets nylon au dessus
des pommiers pour lutter contre la grêle, des systèmes s'arrosage très
performant et intempestifs comme dans les vergers du conventionnels.
Mais je ne jette pas la pierre à ces producteurs qui sont aujourd'hui
dans une crise arboricole très grave et que cette opportunité au bio est
un bel échappatoire. On leur tend la perche alors ne les accusons pas
de s'engouffrer dans la brèche. Où allons-nous ? Quel est ce bio «
chimique » que l'on construit ? Est-ce vraiment cela la bio que l'on
souhaite ? Production intensive, diminution de nos ressources en eau,
etc. Avons-nous perdu notre éthique et nos convictions de l'agriculture
biologique.
Pour cela, je suis satisfait que la FNAB, nous est sortie
depuis le 1er juillet un nouveau logo bio : « Bio Cohérence ». Sans
cette nouvelle appellation, je pense que je ne serais pas resté en AB et
me serais orienté vers la « Biodynamie » afin de me différencier de ces
arboriculteurs bios intensifs. « Demeter » était pour moi, une des
solutions. Maintenant ce logo est tout nouveau, il faut le laisser
prendre ses marques et j'espère qu'il nous aidera (les vrais arbo bio) à
nous défendre et surtout à garder notre image, notre philosophie et
notre éthique. Mon seul regret est juste celui de devoir une nouvelle
fois se justifier en payant pour simplement dire « je suis plus bio que
le bio ». Les consommateurs vont encore une nouvelle fois être perdus
avec ce nouveau label, mais comprenez bien que je ne peux pas vendre mes
fruits sous la même étiquette que ces producteurs bio intensifs. Nous
n'avons d'une part pas du tout les mêmes fruits mais n'avons surtout pas
la même approche de l'agriculture biologique. Il fallait absolument se
démarquer et je remercie la FNAB de nous aider dans cette démarche?.