<!--[if !vml]--><!--[endif]--> Rédaction de Georges Moyneault (pour admirer la belle écriture d'un élève de 12 ans, cliquer sur la photo)

Plus loin, elle  va rire, en retrouvant, sous la plume de son camarade d’école, cette habitude, qu’elle avait, de taper du pied quand les choses n’allaient pas comme elle voulait , comme ici, à l’oral d’Histoire, où elle avait eu une légère hésitation avant de donner le nom de Lafayette.

Elle ressent une émotion intacte à l’évocation des résultats du Certificat d’Etudes :

J’étais reçue 1ère du canton, il paraît que j’avais fait un très bon examen. L’Inspecteur m’a dit :  ″ Viens, ma petite fille que je t’embrasse !" ...

 Alors, je me suis mise à pleurer, parce que je pensais que ça aurait fait plaisir à mon père"  (mort en 1920, quand elle avait 10 ans).

" Un ancien instituteur, ″ vieux garçon ″, avait laissé une somme à la commune pour récompenser les lauréats. C’était le prix Léo Aimé. Georges, celui qui a écrit la rédaction, était reçu 1er du canton, il a eu 200 francs, et moi, reçue 1ère fille du canton, je n’ai eu que 100 francs ! On honorait plus les garçons que les filles ! ".



Les Celloises ne pouvaient pas, en 1922, continuer leurs études sur place, seuls les garçons étaient admis au Cours Supérieur, et ceci jusqu’en 1925. Odette et son amie d’enfance,  Laurette, sont donc parties en pension à Chef-Boutonne.

C’était un cours Complémentaire laïque avec internat, dirigé par Mademoiselle Jacgnaud, qui y enseignait les Mathématiques et les Sciences. Sa mère, qui n’enseignait pas, faisait fonction d’intendante. Il y avait d’autres institutrices, de l’extérieur.

De bons souvenirs s’y  rattachent, malgré une certaine rudesse de la vie de pensionnaire.

« D’abord, on partait de Celles le matin à 6h et demie, par le train de la ligne Niort-Ruffec, qui s’arrêtait à Melle, Mazières-St Romans, Brioux, Luché-Fontenille et Chef-Boutonne », dit Odette, sans la moindre hésitation.

« On arrivait à 7h et demie. Une surveillante nous attendait et on allait à pied à la pension. C’était loin, presque à Javarzay. On ne revenait chez nous que pour les vacances, 3 jours à la Toussaint, puis à Noël et à Pâques. Mais nos mères venaient nous voir le dimanche après-midi tous les 15 jours, par le train. On se promenait, et on allait à la pâtisserie.

On était à peu près 90 internes. On se levait à 6h 30, et il y avait 3 services pour la toilette, qu’on faisait devant de grandes cuvettes émaillées, à l’eau froide, bien sûr. Il y avait aussi 2 salles de bains, avec une baignoire et des tubs, pour faire une toilette plus complète, de temps en temps, et à tour de rôle. Quand il faisait trop froid, je me rappelle que les cuisinières nous montaient des brocs d’eau chaude pour mélanger avec celle du robinet.

On peut dire qu’on avait l’eau courante : tous les jours, à l’extérieur, un homme aveugle, amené par sa femme, pompait l’eau en tournant une roue, pour la faire monter à l’étage par une canalisation, jusqu’à un grand bac en zinc surmontant les cuvettes.

Madame Jacgnaud   était très gentille, presque comme une grand’mère. Un jour, elle m’a dit : 

″ Odette Imery (elle disait Imery!), vous viendrez dans ma chambre, ce soir ″.

Je me demandais bien pourquoi, ″ peut-être que j’ai fait une bêtise ? ″.

Le soir, j’y suis allée : ″ ...Vous savez, vous avez attrapé des poux ! Vous viendrez me voir tous les soirs ! ″...Et j’y suis allée 3 fois de suite. Elle me faisait agenouiller devant une petite table et elle me passait le peigne fin, parce qu’on ne connaissait pas la ″Marie-Rose″, à ce moment-là.

j’avais une ″ tête à poux ″, comme disait Maman, que ça rendait malade ! elle aussi, me passait au peigne fin .

Je ne suis restée à Chef- Boutonne que 2 ans, jusqu’en juillet 1924. C’est dommage, parce que j’apprenais bien. J’aurais pu rester une année de plus, pour préparer le Brevet et l’entrée à l’Ecole Normale. J’étais quand même moins bonne en Maths qu’à Celles, avec Mme Lezay, qui était dure, mais qui expliquait bien. A Chef-Boutonne, Mademoiselle Jacgnaud était souvent dérangée comme directrice pendant la classe, et les Maths, ça laissait un peu à désirer !

Mais je n’ai pas voulu rester. Maman, veuve depuis 1920, s’était remariée, ma grand’mère venait de mourir, et je me disais que Maman s’en irait, pour suivre son mari qui se déplaçait beaucoup pour son métier. Alors, j’avais peur de me retrouver toute seule en pension, ça ne me faisait pas rire ! ». 



Jeune fille attachée à son milieu familial qui savait la rendre heureuse, et même, la gâtait, Odette a toujours montré un caractère volontaire:  ″ Dédette veut !″, ou ″ Dédette peut ! ″, disait-elle, tout petite, en tapant du pied, quand on voulait lui interdire quelque chose.

Et pourtant, elle devait être obéissante, puisqu’elle dit n’avoir jamais été punie.

« Ah si ! se reprend-t-elle, une fois en classe, avec Mme Bénac : j’avais manqué l’école parce que j’avais eu mal aux dents et que le Docteur Chardon m’ en avait arraché 9 à la suite !

″ y crois bé qu’o suffit, à s’t’heure ! ″ avait dit mon grand-père, qui m’avait accompagnée.

De retour en classe, la maîtresse avait demandé d’écrire quelque chose sur son ardoise, et moi, je n’ai rien mis, je ne savais pas ce qu’il fallait mettre. Elle m’a ″ calottée″ et m’a mise dehors...Alors, moi, j’ai pris mes cliques et mes claques, et je suis rentrée chez nous ! ». 



Ma famille était dans le commerce : mon grand-père était chaudronnier, ferblantier et quincaillier. Il avait fait son ″ Tour de France″.

Il était très inventif, très adroit. Chez lui, rue Belle Face, il avait installé un système de récupération des eaux de pluie:  il avait mis un grand bac dans le grenier de la maison, pour recueillir l’eau, et le trop plein passait dans une tuyauterie, fabriquée et installée par lui, du haut en bas de la maison, jusqu’aux « cabinets » à la cave, qui, eux, se déversaient dans un souterrain sous la maison. Ma tante pouvait même vider son seau de toilette dans le système, à la porte de sa chambre, au 1er étage. Le confort moderne, quoi !

 Il avait voulu que ses enfants reçoivent une bonne éducation : sa fille aînée, Juliette, a fréquenté une pension pour Jeunes Filles, à Niort, où elle a appris, entre autres choses, à broder et à jouer du piano. Mon père, plus jeune de 9 ans, est allé au Lycée de Niort jusqu’à 16 ou 17 ans, puis il a souhaité apprendre le métier de son père ».



Photo : devant le magasin, Odette, Laurette, la mère d’Odette et la tante Juliette

 

Viennent les années 1925-1926, et l’envie de s’amuser de temps en temps.

 

 « La Société d’Education Populaire était active, à cette époque. Il se montait des pièces de théâtre, des spectacles de danse, et je participais, avec d’autres, comme sur cette photo, où je suis dans le groupe de gauche, assise juste derrière celle qui est allongée. C’était ″ le Clair de Lune de Werther″, on dansait sur une musique et on faisait des mouvements gracieux.»



« On n’allait jamais aux ″ balades ″ sous les tivolis, Laurette et moi, nos mères ne voulaient pas ! Mais il y avait des beaux bals, à Celles, sous les Halles et au café Dubois sur la place.

C’est au bal de Noël que j’ai connu mon mari. Étant mécanicien à Chef-Boutonne, il circulait en voiture, et avait amené chez mes voisins l’ancien postier de Celles, sa femme et sa fille. On était tous allés au bal ensemble, mais lui ne se décidait pas à retirer son blouson et son bonnet de cuir de pilote -″ il était long à la détente à l’époque !″-. Il a fini par s‘en débarrasser pour m’inviter à danser...Et il est revenu pour le bal du 1er janvier !...

Et les jeunes gens de Celles n’étaient pas contents de ça : ″Ces gars de Chef-Boutonne sont encore rendus là pour nous prendre nos belles filles de Celles! ″ disaient-ils.

C’est comme ça que ça s’est fait ! ».