De septembre à Mai 1940,  c'est la "drôle de guerre". En effet, pas d'offensives, pas de batailles, simplement des patrouilles entre la ligne Maginot et la ligne Siegfrid. mais des échanges de tirs qui ont cependant causé des morts et des blessés.

     La France, abritée par la ligne Maginot est sereine. Mais cette ligne, si elle protège l'Alsace et la Lorraine, s'arrête au département des Ardennes, à la frontière franco-belge, car la Belgique est un pays neutre.

      Le 10 Mai 1940, faisant fi de cette neutralité, Hitler lance sa puissante armée mécanisée  -chars et avions- sur le territoire belge en direction de Sedan. L'histoire se répète : même tactique qu'en 1870 et 1914. Les armées françaises et anglaises entrent à leur tour en Belgique par le Sud et tentent de fixer l'armée allemande.

      Les populations concernées, belges d'abord puis ardennaises ensuite, fuient vers le sud. Les possesseurs d'une automobile, privilégiés, s'éloignent très vite de la zone des combats.

      Mais la majorité a pris la route à pied, à bicyclette, en voiture hippomobile pour les agriculteurs, en emportant un maigre bagage.  Moi je poussais ma bicyclette lourdement chargée.

     Sur  la route règne un étrange amalgame : des troupes montant vers le Nord, des civils fuyant vers le Sud et au dessus, dans le ciel, des stuckas qui bombardent et mitraillent à tout va.

    A tel point qu'il faut se cacher dans les bois le jour et marcher durant la nuit. Le lamentable cortège après une centaine de kilomètres arrive en Champagne. Là, les avions allemands se font plus rares, les autorités locales et les bénévoles de la croix rouge prennent les choses en main.

Les fuyards sont ravitaillés, hébergés dans des locaux communaux ou privés. Puis des trains sont mis à leur disposition : des wagons de marchandises dans l'urgence et des wagons de voyageurs en atteignant la région parisienne.

      Orléans, Tours, Poitiers, Niort....le trajet s'effectue sans trop de difficultés et le ravitaillement est assuré par la croix rouge.

      A Niort,  des wagons sont détachés et leurs occupants restent sur place. Pour les autres , le voyage se poursuit et alors qu'ils croyaient être dirigés vers la côte atlantique, des noms apparaissent sur le fronton des gares : Mougon, Celles, Melle et enfin Brioux-sur-Boutonne. C'est le terminus.

Sur la place de la gare des véhicules automobiles et  surtout hippomobiles attendent les voyageurs accueillis par les maires et le chef de brigade de gendarmerie qui fait former des groupes par famille ou affinités et leur indique leur destination.

      C'est l'arrivée à Vernoux-sur-Boutonne, au début de la nuit. Nous sommes le 19 mai. A l'épicerie-auberge, les femmes du village ont dressé la table et servi un copieux repas. La nuit se passe dans des dortoirs installés à la mairie et à l'école.

      Voici brièvement résumé ce que fut l'exode des Ardennais  déplacés malgré eux et qui furent tout de suite appelés "les réfugiés".

La vie des réfugiés en pays mellois.

       Les jours suivants, des petites maisons sont attribuées aux réfugiés : maisons sans eau courante , ni électricité, un feu à l'âtre pour cuisiner,  quel dépaysement !..mais c'est la guerre...

       Il faut penser à travailler. L'agriculture manque de bras. Les réfugiés sont demandés dans les fermes.

Alors les hommes qui, pour la plupart, ne connaissaient que les machines-outils de l'industrie ardennaise, et les adolescents privés d'études ou d'apprentissage se sont mis à l'ouvrage.

Il leur faut s'adapter aux travaux agricoles et à la mentalité paysanne, sans oublier le patois. Petit à petit l'intégration se réalise.

Les jeunes Ardennais s'investissent dans les activités associatives. Ils jouent dans des pièces de théâtre au profit des prisonniers de guerre, leur participation dans les équipes de football donne un essor notoire à ce sport. La cohabitation s'avère bénéfique. Des mariages mixtes ont lieu, des enfants naissent.

       Fin 1941 et courant 1942, des Ardennais manifestent le désir de rentrer au pays, totalement régi par les occupants. Il leur faut justifier d'un hébergement pour obtenir les autorisations de retour. Peu à peu, la population transplantée devient moins dense dans les Deux-Sèvres.

        A la fin de la guerre certains décident de rester définitivement en Deux-Sèvres. Ils y établissent leur vie et se fondent dans la population. Mais ils gardent la nostalgie de leur pays d'Ardenne et la plupart se retrouve  périodiquement au sein d'une amicale Ardennes-Deux-Sèvres.

      Cette histoire est racontée par un Ardennais arrivé à  l'âge de 15 ans dans le pays mellois.