Le récit de la préparation et les péripéties de l’aventure alimentaient avec beaucoup de plaisir les veillées l’hiver et les repas de battages l’été.

   La chasse au dahut se pratiquait de nuit, dans des chemins creux ou des petits bois. Il fallait un sac pour attraper l’animal et des bâtons pour faire sortir l’animal de son trou et lui faire peur pour qu’en s’enfuyant il aille se faire prendre dans le sac tenu à un endroit stratégique par une personne assez crédule, et, préparée par les connaisseurs sur l’importance de sa mission de capturer un animal très réputé.

 

Quand le guetteur était bien installé le groupe de rabatteurs, censés diriger l’animal vers le porteur du sac, s’éloignaient peu à peu en abandonnant le naïf de service. Ce dernier, après une assez longue attente, n’avait plus qu’à chercher son chemin pour rentrer seul au village où il était la risée de ses comparses occupés à jouer  tranquillement aux cartes.

 

   Les habitants du village étant tous au courant,  les organisateurs avaient parfois du mal à trouver un guetteur, souvent un nouvel arrivant dans la région, ou un travailleur saisonnier qui n’avait pas eu vent de la supercherie .Il ne restait plus qu’à tester son degré de crédulité ;et, ensuite  commençait la préparation pour développer son intérêt de participer à la capture d’un animal aussi rare.

 

   Tout l’art de ce conditionnement était de préserver le bon équilibre entre faire durer ce plaisir de préparation (par exemple lui faire imiter le cri de la femelle pour attirer le mâle) pour le faire partager à tous les amis, mais surtout éviter de pousser le bouchon trop loin et mettre la puce à l’oreille du guetteur.

 

   L’impatience du futur participant à la chasse, grandissante, il ne restait plus qu’à convenir d’une date.Le jour fatidique arrivé, après lesdernières recommandations ou le public complice avait toutes les peines du monde à se retenir de rire, c’est la remise du sac pour emprisonner l’animal et la mise en marche vers le lieu choisi assez éloigné des habitations.

 

   La victime de cette farce n’était pas toujours l’idiot du village, j’ai le souvenir d’une éminente personnalité  vaniteuse et provocante, nouvellement arrivée dans le Pays Mellois qui tomba dans le piège tendu par ses amis ( ?)  L’événement fit du bruit dans les chaumières.

   On peut facilement imaginer la morale que tira la victime, assez proche du corbeau de La Fontaine qui «  honteux et confus, jura mais un peu tard qu’on ne l’y prendrait plus »