La photo a été prise dans une ferme de Vaumoraux en 1934, pendant les battages.

Elle représente mon grand-père, mécanicien à Celles. Il porte des seaux permettant de transporter l'eau nécessaire à la locomobile que l'on voit à l'arrière-plan.

Cet engin était une machine à vapeur qui entraînait la batteuse par une très longue courroie en poil de chameau.(La locomobile et la batteuse étaient déplacées de ferme en ferme, généralement par un attelage de boeufs).

Il était régulièrement chargé de mettre en route, dans les fermes des clients, cet important dispositif, qu'il lui fallait ensuite surveiller tout le temps du travail: niveau d'eau dans la locomobile, état du feu, interventions et réparations si un ennui mécanique se produisait, surveillance de l'énorme courroie à qui il arrivait de "sauter", ce qui était très dangereux, et bien sûr, ralentissait le travail.

Dès qu'il a été apprenti, à 14 ans (donc à partir de 1924), mon père secondait mon grand'père dans cette tâche.

Ce qui l'a le plus marqué, c'est, après les battages, la nécessité de nettoyer la chaudière refroidie et vidée de son eau. Il était généralement chargé, étant donné sa minceur et sa souplesse, du détartrage de l'intérieur. Il devait se glisser par le "trou d'homme" prévu sur le corps de la machine à cet effet, et se tenir dans un espace restreint, dans des positions acrobatiques, dans le noir, pour en détacher, au marteau et au burin, le tartre qui s'était formé sur les parois. Il fallait supporter la poussière de calcaire dans les yeux et dans le nez, les positions inconfortables et la peur irrationnelle de ne pas pouvoir ressortir.

Il en a développé de la claustrophobie pour le restant de ses jours.