Pour l'Ademe, les circuits courts de proximité présentent
un potentiel important de réduction des émissions de gaz à effet de
serre et de réduction de la consommation d'énergie à condition de
veiller au respect de la saisonnalité des produits et à l'optimisation
de la logistique.
La vente de produits alimentaires en circuits courts
de proximité n'a-t-elle que des effets positifs pour l'environnement ? A
première vue, la question ne mérite même pas d'être posée tant la
réponse semble évidente aux consommateurs. Dans un avis qu'elle vient de
publier, l'Ademe apporte pourtant un jugement plus nuancé après avoir
tenté de décortiquer le bilan environnemental de ces circuits de
production et de commercialisation. Deux critères les caractérisent – la
vente directe ou avec un intermédiaire et une distance généralement
inférieure à 150 km entre le lieu de production et celui de
consommation. Si l'image qui vient spontanément à l'esprit est celle de
la vente directe à la ferme et sur les marchés, les circuits courts
alimentaires recouvrent un large éventail de situations : points de
vente collectifs et Associations pour le maintien d'une agriculture
paysanne (Amap) qui fonctionnent sous forme de contrats entre
producteurs et consommateurs qui s'engagent à acheter une partie de la
production pendant une période donnée, vente en tournée, à domicile ou
avec un point relais de livraison, sur le lieu de travail par exemple,
restauration hors domicile, collective ou traditionnelle, faisant appel à
des fournisseurs locaux. Sans oublier les commerces de proximité, la
grande distribution (marque "petits producteurs") et la vente à distance
(commandes groupées par internet, par exemple).
Des impacts environnementaux relocalisés
Difficile, vu cette grande diversité, d'affirmer que l'impact sur
l'environnement des circuits courts est meilleur ou moins bon que les
autres formes de commercialisation, prévient l'Ademe. Il faudrait
étudier l'ensemble du cycle de vie de l'aliment (production,
transformation, conditionnement, transport…), prendre en compte les
impacts énergétiques, climatiques, ou encore sur l'eau ou la
biodiversité mais peu d'études répondent à ce besoin. L'Ademe s'est donc
limitée à mettre en avant "certains bénéfices et points de vigilance"
des circuits courts. L'Agence voit comme principal point fort en matière
de production la "relocalisation des impacts". Sur le plan
environnemental, la localisation des productions sur les territoires de
consommation présente trois grands avantages : les productions
françaises sont soumises aux réglementations nationales et européennes
en vigueur, "parmi les plus exigeantes", ce qui n'est pas nécessairement
le cas de productions plus lointaines; le maintien d'une agriculture
périurbaine peut limiter l'étalement urbain et donc préserver la qualité
de sols souvent fertiles ; la recherche d'une certaine autonomie
alimentaire, en produisant localement pour répondre aux besoins,
sécurise les approvisionnements, l'économie locale et évite la
délocalisation des impacts.
La plupart des exploitations ayant recours aux circuits courts sont de
petite taille, proches de l'agriculture biologique ou labellisées bio.
Mais si elles consomment moins d'intrants, elles peuvent aussi s'avérer
moins productives qu'une exploitation intensive qui aura mieux optimisé
les intrants rapportés à la tonne de matière produite, souligne
toutefois l'Ademe. Autre point de vigilance : la saisonnalité des
produits. "Des aliments produits localement mais 'hors saison' sous
serre chauffée pourront consommer plus d'énergie et rejeter plus de gaz à
effet de serre que des produits importés de pays où ils sont cultivés
en plein air, même en incluant le transport", met en garde l'Agence.
Optimiser la logistique
L'Ademe appelle aussi à optimiser la logistique. "Si dans le cadre
des circuits courts les produits parcourent une distance plus faible,
les consommations d'énergie et les émissions de gaz à effet de serre ne
sont pas pour autant systématiquement plus faibles, prévient-elle.
Ramenées au kilogramme de produit transporté, elles peuvent parfois même
être plus élevées". Selon ses calculs, les émissions par kilomètre
parcouru et par tonne transportée sont environ 10 fois plus faibles pour
un poids lourd de 32 tonnes et 100 fois plus faibles pour un cargo
transocéanique que pour une camionnette de moins de 3,5 tonnes car ils
permettent de parcourir de plus grandes distances à impact gaz à effet
de serre équivalent. Ces impacts énergétiques et en termes d'effet de
serre de l'alimentation sont également fortement liés au déplacement du
consommateur pour acquérir les produits : dans le cas de la vente
directe, celui-ci peut en effet être amené à se déplacer davantage si
les points de distribution sont dispersés. Il faut donc veiller à les
organiser au plus du consommateur, voire à les regrouper, recommande
l'Ademe qui insiste sur l'importance de la logistique (adéquation moyen
de transport/volume transporté, optimisation du circuit de livraison,
remplissage du camion…) pour la performance des circuits courts.
Enfin, l'Ademe leur trouve deux autres qualités : la réduction des
déchets de conditionnement - dans la plupart des circuits courts, les
produits bruts sont peu ou pas emballés et les conditionnements liés au
transport souvent réemployés – et un moindre recours aux procédés de
conservation, fortement consommateurs d'énergie et émetteurs de gaz à
effet de serre dans le cas des fluides frigorigènes.
Anne Lenormand